Au gré de leurs mises à jour, le Fiat Ducato et le Mercedes Sprinter ont vu leur écart technologique et tarifaire se resserrer. De là à rebattre les cartes sur le marché du camping-car ? Des responsables de grandes marques, qui carrossent aussi bien du Fiat que du Mercedes, nous livrent des éléments de comparaison.
Longtemps durant, dans le petit royaume du camping-car, le Fiat Ducato a fait figure de roi indétrônable. Jusqu’à truster près de 80% des parts de marché à son apogée. Depuis quelques années, sa domination s’est toutefois effritée. La faute à des approvisionnements en châssis erratiques qui ont entamé la confiance des constructeurs de véhicules de loisirs (VDL). Et si Fiat est toujours le fabricant qui fournit le plus de châssis à l’industrie du VDL, il n’équipe aujourd’hui qu’un peu plus d’un tiers des camping-cars immatriculés en France (33,9 % ; un chiffre qui regroupe quasi-intégralement des Ducato). Dans le même temps, d’autres modèles de châssis sont montés en puissance et ont su profiter des faiblesses du leader. On pense en premier lieu au Ford Transit, Peugeot Boxer/Citroën Jumper, mais aussi donc, au Mercedes Sprinter.
Des châssis spécialement adaptés aux camping-cars
- Dès 1981, le Fiat Ducato a été utilisé comme base mécanique de véhicules de loisirs. Sans cesse amélioré, il est le premier à introduire, à partir de 2006, une voie arrière élargie (1980 mm) spécialement conçue pour les camping-cars, sur le modèle d’AL-KO. Cet essieu arrière, plus large de 19 cm par rapport à l’essieu standard, présente plusieurs avantages. D’abord, il offre aux constructeurs la possibilité de construire des cellules plus larges et donc, des habitacles plus spacieux. Il améliore par ailleurs la stabilité et la tenue de route du véhicule. Enfin, cette voie élargie permet d’aligner les roues arrières avec la carrosserie, ce qui est tout de même plus esthétique.
- Le Mercedes Sprinter, dont la première version remonte à 1995, suivra la voie tracée par Fiat en se déclinant dans une version à voie arrière élargie. Destinée à l’industrie du camping-car, celle-ci s’étire également sur 1980 mm, soit 21 cm de plus que la voie classique (1770 mm). En revanche, le châssis-cabine spécial camping-car Mercedes n’est pas surbaissé comme peut l’être celui du Fiat Ducato (- 12 cm). Ce qui peut être un inconvénient pour la hauteur hors-tout et l’installation d’un double-plancher technique et de rangements notamment.
Le Sprinter traction séduit les constructeurs
Le Mercedes Sprinter a connu un regain d’intérêt de la part des marques de camping-cars depuis l’arrivée de la troisième génération du nom en 2018. Celle-ci ajoute aux transmissions déjà proposées (propulsion, intégrale 4×4) une version traction, moins chère, plus légère d’une cinquantaine de kilos et connectable si besoin au châssis AL-KO. On dénombre aujourd’hui en France 13 fabricants qui commercialisent des camping-cars sur base Mercedes Sprinter : Adria, Carthago, Eura Mobil, Fleurette, Frankia, Hymer, La Strada, Le Voyageur, Niesmann+Bischoff, Notin, Rapido, Weinsberg et 3C Cartier.
L’écart de prix se réduit entre Sprinter traction et Ducato
Constructeur allemand historiquement lié à Mercedes-Benz, Hymer produit des cellules de camping-cars quasi-intégralement sur le Sprinter. Il est de ce fait un fin connaisseur du châssis, qu’il exploite presqu’exclusivement en version traction (hors gamme ML-T et Venture S). « C’est vrai que l’écart tarifaire s’est resserré entre la version traction du Sprinter et le Fiat Ducato de dernière génération, témoigne un responsable du groupe Erwin Hymer. A titre d’exemple, nous avons deux modèles de fourgons très comparables : le Free 600 Campus sur Ducato et le Free S 600 Campus sur Sprinter traction*. Avec un niveau d’équipement à peu près similaire, il faut compter environ 400 € de plus pour le modèle Mercedes », souligne-t-il. Si l’on revient aux cellules, il est possible de comparer deux profilés Hymer à lits jumeaux : l’Exsis T 580 Pure (Fiat / 6,94 m) et le Tramp S 585 (Mercedes / 7,09 m).
Autre exemple : chez le doyen des constructeurs français de camping-cars, Notin, le Progress Malaga CF sur Fiat (lit central en 7,19 m / 92.900 €) est commercialisé à près de 5000 € de moins que l’Exclusiv Ostrava CF sur Mercedes (lit central 7,35 m / 97.700 €). « À équipement comparable, on constate plutôt une différence tarifaire de l’ordre de 10 000 € car les packs d’options sont assez onéreux chez Fiat, tempère Guerric Bruand, directeur général adjoint de Notin. Mais pour les clients qui sont sensibles à l’étoile, ce n’est pas énorme. »
Fleurette Constructeur a inauguré cette année une courte gamme de deux camping-cars sur base Mercedes Sprinter traction. Pour Stéphane Roger, responsable réseau et marketing de la marque, la comparaison des deux châssis s’avère pour le moins délicate. « Entre les deux fabricants, ce sont vraiment deux philosophies différentes, pointe-t-il. Chez Mercedes, beaucoup d’options sont reliées les unes aux autres, alors qu’elles sont plus dissociées et à la carte chez Fiat. Souscrire à un équipement chez Mercedes impose généralement tout un package d’options qui va avec. Ce qui donne des configurations difficilement comparables », avance-t-il.
* Mercedes-Benz a annoncé l’arrêt de la production du Sprinter tôlé en version traction, pour des raisons de volume de vente. En conséquence, Hymer écoule actuellement ses dernières modèles Hymer Free S 600 Campus sur le fourgon Sprinter traction.
Agrément de conduite et finitions en cabine : le Sprinter un cran au-dessus
Tous les responsables interrogés nous le confirment : la différence technique se resserre entre le Fiat Ducato et le Mercedes Sprinter. « D’un point de vue technique, c’est vrai que l’écart s’est réduit entre les deux, affirme en prélude Guerric Bruand (Notin), avant de poursuivre. A mes yeux, l’ergonomie de la cabine du Ducato reste meilleure. La rotation des sièges cabine y est plus simple. Chez Mercedes, nous sommes encore obligés de remplacer les embases pivotantes d’origine des sièges, relève-t-il. A l’inverse, les finitions du Sprinter se rapprochent plus de ce que l’on peut avoir dans l’automobile. La ligne extérieure apparaît également plus sculptée », juge-t-il.
« Techniquement parlant, c’est vrai que c’est assez proche, abonde le responsable du groupe Erwin Hymer. Mais en termes d’agrément de conduite, le Sprinter est au-dessus. Sur route, il se révèle plus silencieux et plus souple. Son moteur le plus puissant développe jusqu’à 190 ch (180 ch pour Fiat). Et les finitions en cabine, au niveau de la planche de bord notamment, sont plus cossues », assure-t-il lui-aussi.
Un dernier argument qui fait finalement l’unanimité auprès des responsables interrogés : « Au volant, le Mercedes a quand même un aspect moins utilitaire. L’habitacle apparaît plus feutré et raffiné, estime Stéphane Roger (Fleurette). Sa boite automatique, par exemple, se contrôle via un commodo et non pas in simple levier comme le Fiat », souligne-t-il.
Autre point important à avoir à l’esprit : la cabine du Mercedes est plus longue de 18 cm par rapport à celle du Fiat. Ce qui veut dire qu’à longueur équivalente, un camping-car sur Ducato présentera un habitacle plus spacieux qu’un camping-car sur Sprinter.
Aides à la conduite : Mercedes à la pointe de la technologie
S’il y a bien un domaine où Mercedes excelle, c’est au niveau des aides à la conduite avancées (Adas). « Sur ce point, le Sprinter a toujours été en avance sur la concurrence, confirme Guerric Bruand (Notin). Mais Fiat a tout de même rattrapé un peu son retard avec les dernières mises à jour du Ducato ».
Depuis 2021, le Sprinter avait en effet anticipé les exigences du nouveau règlement européen General Safety Regulation (GSR II), qui s’appliquera aux camping-cars à partir du 7 juillet 2026*. Il était ainsi déjà équipé de série du détecteur de somnolence « Attention Assist » et, dès le second niveau de finition, de la caméra de recul.
Depuis juillet 2024, le Sprinter s’enrichit de série de nouvelles aides à la conduite exigées par le GSR II, dont le freinage d’urgence assisté actif (incluant une fonction de détection des véhicules arrivant à une intersection et une assistance au freinage en virage), l’avertisseur de franchissement de ligne actif, le détecteur de panneaux de limitations de vitesse (détection des autres panneaux de signalisation en option) ou encore l’avertisseur d’angle-mort.
Remis à jour en 2024 également et anticipant lui-aussi certaines obligations requises par le GSR II, le Fiat Ducato intègre de son côté jusqu’à 21 Adas. Il en offre toutefois un peu moins de série (pas d’avertisseur d’angle-mort par exemple).
- Aperçu des Adas de série sur le Mercedes Sprinter : freinage d’urgence assisté actif avec fonction de circulation transversale, avertisseur de franchissement de ligne actif, assistant de limitation de vitesse, caméra de recul, détecteur de somnolence, capteur de pluie, allumage automatique des phares, régulateur de vitesse Tempomat, avertisseur d’angle-mort
- Aperçu des Adas de série sur le Fiat Ducato : freinage d’urgence autonome avec la détection des piétons et cyclistes, assistant au maintien de la voie, reconnaissance des panneaux de limitation de vitesse, limiteur de vitesse, détection de fatigue ou d’inattention, ESP amélioré incluant l’assistant de vent latéral et le freinage après collision.
* Un délai de deux ans a été octroyé aux véhicules VASP dont font partie les véhicules de loisirs, le GSR II s’imposant aux autres véhicules neufs depuis le 7 juillet 2024.
Image de marque : « l’étoile fait encore la différence«
Le châssis Mercedes dispose d’un dernier atout dont ne peut se prévaloir le leader du marché : une image de marque associée au haut de gamme. « L’étoile fait encore la différence pour de nombreux clients, argue le responsable du groupe Erwin Hymer. Mercedes résonne toujours comme une marque premium. Et la valeur de revente des camping-cars sur Sprinter est nettement supérieure, assure-t-il. D’autant plus quand il est retenu en sortie d’usine dans ses versions propulsion ou 4×4 ; possibilités qui n’existent pas chez Fiat. « Certains clients veulent retrouver le plaisir de conduire qu’ils ont dans leur voiture haut de gamme, parfois une Mercedes, et optent naturellement pour le Sprinter », confirme Guerric Bruand (Notin).
Enfin, Mercedes-Benz témoigne par ailleurs depuis quelques années de sa volonté de s’investir davantage sur le camping-car. « En termes de SAV ou de formation du réseau, Mercedes montre un vrai intérêt pour la clientèle camping-car », assure Stéphane Roger (Fleurette). De bon augure, alors que beaucoup de marques regrettent le peu de considération de Fiat vis-à-vis des professionnels du VDL, surtout après les approvisionnements chaotiques qu’ils ont connus aux lendemains de la crise sanitaire… Le récent changement de direction à la tête de Stellantis sera-t-il à même d’infléchir la stratégie de Fiat vis-à-vis du secteur du camping-car ? Réponses dans les mois à venir…