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Face à l’envolée spectaculaire des prix (+20% environ en deux ans), le camping-car va-t-il (re)devenir un produit de luxe ? Il était reconnu comme tel jusqu’en 1992 et supportait, à ce titre, un taux de TVA majoré à 33%. En attendant l’essor du leasing, à l’image de ce qui se passe dans l’auto, chaque nouvelle hausse des prix détourne du camping-car de nouveaux acheteurs.

Le monde de l’automobile est en proie aux mêmes réflexions. La voiture, jadis si populaire, a vu ces dernières années son prix moyen grimper en flèche, tandis que les ventes se sont effondrées. Une tendance documentée notamment par la dernière étude de l’observatoire Cetelem de l’automobile (voir aussi cet article de l’Argus sur l’évolution du prix de la voiture moyenne neuve depuis 1970).

« Nous ne pouvons pas contenir les hausses de prix successives »

■ Sous l’effet conjugué des pénuries de châssis et de la hausse des matières premières et de l’énergie, le camping-car n’a pas échappé non plus à l’explosion des tarifs depuis deux ans. 📸 Fiat Camper

« Un camping-car intégral moyen de gamme avec quelques options du constructeur, qui coûtait l’an passé entre 70 000€ et 75 000€, vaut aujourd’hui entre 90 000€ et 95 000€, illustre Christophe Jeanniot, le directeur commercial de Libertium Jeanniot LoisirsIdem pour les profilés. Certains modèles qui coutaient 55 000€ l’an passé sont aujourd’hui affichés à près de 75 000€. Et 20 000€ d’augmentation, ça pèse lourd dans un budget. Dans beaucoup de cas, au lieu d’avoir des mensualités de 500€, les clients se retrouvent avec des échéances autour de 700€. Cela devient de moins en moins tenable et c’est pourquoi, à mon avis, le marché va se tendre ».

Mais alors, jusqu’où peut aller la spirale infernale de l’augmentation des prix ? Difficile pour l’heure de se prononcer. « Ce sont les fournisseurs de châssis qui tirent les ficelles. De notre côté, nous ne pouvons pas contenir les hausses de prix successives, estime Christophe Jeanniot. Depuis le 1er septembre, nous en sommes à la quatrième augmentation de tarifs sur certaines marques ».

« Un vrai coup de frein sur les commandes »

Ce phénomène inflationniste, observable dans toutes les gammes de modèles, soulève la question de l’acceptabilité des prix. En d’autres termes, quelle est la limite au-dessus de laquelle le prix constitue un frein à l’achat ? La réponse dépend de nombreux facteurs et pas uniquement du pouvoir d’achat des consommateurs.

Pour les professionnels, la période semble marquée par l’attentisme des clients, confrontés à de nombreux signaux négatifs. « On ressent un vrai coup de frein sur les prises de commandes, alerte Fabrice Padiolleau, gérant de la concession Roche Évasion (85). Ça passe encore sur l’occasion, quand nous avons des véhicules à vendre. mais sur le neuf, le taux de transformation se réduit, en particulier avec les primo-accédants. Leur préférence va clairement aujourd’hui vers les fourgons et les compacts ».

Un constat corroboré par Christophe Jeanniot, (Libertium Jeanniot Loisirs) : « Nous avons passé un été catastrophique commercialement parlant car nous avions très peu de véhicules sur parc. Sur l’ensemble des commandes passées auprès des constructeurs, nous avons eu près de 30% d’annulation. Aussi, des modèles qui devaient être livrés aux clients durant l’été le seront finalement en janvier ou février, avec 8 mois de retard pour certains ».

« Je ne veux pas me fâcher avec mes clients »

La conjoncture pousse d’ailleurs certains à revoir leurs méthodes de vente. « Je ne prends plus de commandes, car nous n’avons aucune visibilité sur les prix et les livraisons, explique Fabrice Padiolleau (Roche Évasion). Je ne veux pas me fâcher avec mes clients. Résultat : je vends uniquement les véhicules en stock ».

Dans ce contexte, finis aussi les rabais, les remises aux loueurs ou les opérations extérieures. Chacun est aujourd’hui tenté de préserver ses marges. Quitte à voir les volumes baisser…

■ Face à la crise de l’offre et l’envolée des prix, certains spécialistes du véhicule de loisirs font preuve d’agilité et d’inventivité, en s’ouvrant à des solutions nomades plus économiques : malles de voyage, tentes de toits, mini-caravanes, etc.

VOIR AUSSI : Quatre marques françaises à la conquête des professionnels de l’auto et du VDL  

« On a tendance à oublier d’où l’on vient »

Pour l’heure, les statistiques fournies par le syndicat des constructeurs Uni-VDL ne permettent pas de mesurer à sa juste valeur l’état d’un marché très largement perturbé par le manque de châssis. Les derniers indicateurs font état d’un repli de 17,57% sur la saison 2021-2022 (24 768 immatriculations de camping-cars neufs).

■ Détail des immatriculations de véhicules de loisirs recensées en France entre septembre 2021 et août 2022. Si les immatriculations de camping-cars neufs déclinent sur la saison, elles restent malgré tout supérieures à celles d’il y a deux ans (+ 5,81 %). Source : Uni-VDL.

Quel regard portent les constructeurs de camping-car sur ce ralentissement du marché ?

« La baisse des immatriculations est factuellement due aux problèmes d’approvisionnement puisque nous avons un carnet de commandes de plus d’un an,  fait valoir Nicolas Rousseau, directeur général du groupe Rapido. Les ventes quant à elles sont en baisse par rapport à l’année dernière, mais cela s’explique aussi par les délais de livraison très longs », soutient-il.

« Après deux ans en surrégime, lié à l’accélération post-Covid, le marché français du camping-car neuf décélère et revient au niveau qui est le sien, autour des 23 000 immatriculations par an. On a tendance à oublier d’où l’on vient et la période que nous avons traversée », tient à rappeler de son côté David Meistertzheim, responsable commercial Hymer. Le professionnel ne nie pas les difficultés, mais veut rester confiant sur l’avenir du camping-car, porté par une nouvelle génération de clients et le désir très marqué de renouer avec la nature.

« Le camping-car continue de faire rêver », mais …

Car par ailleurs, si le marché du camping-car neuf se contracte, celui de l’occasion tient bon. Selon Uni-VDL, quelque 68 721 camping-cars d’occasion ont été immatriculés la saison dernière, soit un léger recul de 1,01% par rapport à la saison précédente.

« Le camping-car continue de faire rêver et la demande est toujours là, notamment sur l’occasion, positive Christophe Jeanniot (Libertium Jeanniot-Loisirs). Mais l’offre se tarit et cela devient de plus en plus difficile d’obtenir des véhicules. D’ordinaire, nous vendions chaque année près de 150 camping-cars d’occasion. Mais l’an passé, nous en avons vendu à peine 90. »

« Le marché est devenu fou ! »

Et la rareté alimente, là-encore, l’augmentation des prix. « Comme on a peu de véhicules neufs en stock et que leur prix explose, la valeur des camping-cars d’occasion bondit elle-aussi, analyse-t-il. A mes yeux, le marché est devenu fou ! Certains particuliers revendent aujourd’hui leur véhicule plus cher qu’ils ne l’ont acheté deux ans plus tôt ».

■ Offre qui se tarit et prix en hausse : la situation du marché inquiète de nombreux professionnels.  📸 Libertium Jeanniot Loisirs Vesoul (70)

« Les formules de leasing vont se développer  »

Mais alors, le camping-car est-il en train de redevenir un produit de luxe ? « Oui, clairement, tranche le responsable de Libertium Jeanniot Loisirs, qui précise aussitôt sa pensée. Il y a deux ans, les camping-cars n’étaient pas à leur juste prix. On voit le prix des voitures… Une belle auto’, c’est 45 000€ – 50 000€. Et on avait des camping-cars à ce prix-là. Aujourd’hui, les tarifs correspondent peut-être plus à la valeur du bien. Mais on va forcément diminuer le volume de ventes et se couper d’une partie de la clientèle », regrette-t-il.

Sur cette question, David Meistertzheim du groupe Hymer se montre plus tempéré : « Le camping-car restera un produit accessible sous des formes diverses – la location est une solution – et des financements adaptés. On peut penser que les formules de leasing vont se développer à grande vitesse. De nombreux acteurs du camping-car y travaillent aujourd’hui. Non, le mot luxe me semble trop fort. De plus, ça ne correspond pas aux valeurs du camping-car ».

Un sentiment partagé par le groupe Rapido. « Il est vrai que ces dernières années, entre le manque de composants électroniques et la baisse des volumes des constructeurs automobiles, les prix ont sensiblement augmenté. Mais on espère maintenant qu’ils vont se stabiliser. Et le camping-car reste un bon investissement au regard des valeurs d’occasion, dont le marché reste dynamique, souligne Nicolas Rousseau, le directeur général. Quant au leasing, c’est un produit financier intéressant, auquel nos concessionnaires vont devoir se confronter pour faciliter les ventes », estime-t-il.

Il est clair que les énergies se concentrent pour l’instant sur les problèmes de production et de livraison. Quoi qu’il en soit, cette période laissera des traces et pourrait bien accélérer les transformations du secteur. Le camping-car doit aussi faire sa révolution s’il veut convaincre de nouvelles générations de clients.

■ Plébiscités pour leur agilité, les camping-cars compacts – ici le Rapido C 56 – affichent globalement des tarifs plus attractifs. Cet avantage – décisif à l’heure où les prix s’envolent – pourrait favoriser leur montée en puissance dans les années à venir. 📸 Rapido

VOIR AUSSI : Combien coûte (vraiment) un camping-car premier prix ?

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