La crise sanitaire n’a pas eu raison de l’inexorable croissance des vans et des fourgons aménagés, bien au contraire, elle a même contribué à leur succès. Cette année, pour la première fois les ventes de vans* ont dépassé celles des camping-cars. Le phénomène bouleverse le marché des véhicules de loisirs. Les constructeurs doivent adapter leur production et structurer leur offre, afin de répondre à la forte demande d’un nouveau public.
52% des immatriculations
Après une année en dent de scie, un ralentissement des immatriculations lors du premier confinement, suivi d’un rattrapage avec un été marqué par des mois exceptionnels (juillet et septembre : +64% et +85%, respectivement +89% et +100% pour les seuls vans). L’année civile 2020 s’est clôturée sur un record de 24.959 immatriculations, en hausse de 5% par rapport à 2019, dont +19% pour les vans (11.002) représentant 44% des ventes de camping-cars.
Cette part de marché des vans, en perpétuelle hausse depuis 10 ans, a franchi un nouveau palier en en février 2021. Pour la première fois, les ventes de vans et fourgons aménagés (1.019) ont dépassé celles des camping-cars (profilés, intégraux et capucines : 1.016). Le mouvement s’est confirmé : au premier quadrimestre 2021 les vans représentent 52% des immatriculations (5.567), pour cette seule catégorie les ventes cumulées ces 12 derniers mois affichent une progression de 84 % (14.437) !
Des nouvelles pratiques
Pour Pierre Rousseau, PDG du Groupe Rapido et président du syndicat UNI VDL, l’avènement du van était inéluctable : « Inscrit dans le marbre depuis longtemps en Allemagne, le van occupe à présent une place majeure dans le paysage du véhicule de loisirs. En France cette transition s’est finalement faite en douceur sur une décennie, avec une nette accélération ces 4 dernières années. On a vu l’essor de nouveaux utilisateurs aux nouvelles attentes, la crise sanitaire a renforcé ce phénomène ».
Nul n’a échappé à l’engouement suscité par le camping-car l’été dernier, star du déconfinement qui a favorisé le tourisme de proximité. « C’est une véritable bulle sanitaire », confie François Feuillet, PDG du Groupe Trigano, « Dans toute l’Europe la crise du Covid a donné un coup d’accélérateur aux ventes de camping-cars, y compris le van qui séduit de plus en plus de jeunes ». Plus compacts, discrets et maniables, les vans et fourgons aménagés répondent à de nouvelles aspirations.
« Leurs prestations automobiles associées à un gabarit passe-partout séduisent » renchérit Patrice Moreau, directeur commercial du Groupe Pilote, « Leur utilisation “couteau suisse” plait beaucoup, urbain la semaine, sport et loisirs le week-end ». Symbole de liberté, le van attire aussi bien les familles avec enfants pour les vacances, que des jeunes actifs adeptes de télétravail nomade (voir l’article : la vanlife gage de liberté). Un engouement confirmé par le marché du neuf mais aussi d’occasion, à l’image du site AutoScout24 qui a enregistré des records de recherches de vans et fourgons au premier trimestre 2021.
Les constructeurs affûtent leurs armes
Même s’il a plafonné sous la barre des 5% de ventes dans les années 1990 et 2000, le van a toujours fait l’objet d’attentions de la part des constructeurs. Percevant les évolutions à venir, dès 2004 Trigano rachetait Font Vendôme, l’aménageur passant de 73 fourgons produits en 2007, à 600 en 2012, pour devenir aujourd’hui le premier fabricant de vans en France (3300 unités avec la marque Randger).
Le Groupe Rapido est également allé chercher une “expertise van” avec l’acquisition des marques Campérêve (2009), Westfalia (2010), Stylevan (2017) « En 10 ans le rachat de ces marques nous a beaucoup appris et nous permet aujourd’hui de proposer une offre pointue et diversifié sur le van » confirme Pierre Rousseau. Même démarche chez Pilote qui a racheté l’atelier nantais CSA Gérard, devenu Hanroad en 2015.
Pression sur la production
Pour toutes ces marques, le nouvel enjeu majeur est de pouvoir répondre à la forte demande. Les défis comme les obstacles sont multiples. Outre des bureaux d’études 100% vans, il faut développer les sites de productions. L’été dernier, Trigano a ouvert une deuxième usine de vans à Paglieta en Italie, pour doubler la production et atteindre 10.000 unités par an. Pilote vient d’investir plus de 10 M€ pour moderniser le site d’Angers avec un objectif de 3.000 vans par an, de son côté Rapido créé une nouvelle ligne de production dédiée 100% vans.
Les difficultés mondiales d’approvisionnement en semi-conducteurs, associées à la forte demande en VU, pèsent sur la livraison des châssis (récemment Ford a dû arrêter son usine turque de Kocaeli pour 8 semaines). Pour les constructeurs de camping-cars la demande est bien là, cependant la production a du mal à suivre : difficulté de recrutement, tension sur l’approvisionnement de châssis, pénurie de certains matériaux (bois, contre-plaqué, accessoires électriques)… Les carnet de commandes sont pleins, mais les délais de livraisons dépassent largement les 10 mois !
Quel avenir pour le camping-car ?
L’avènement du van s’inscrit dans un secteur des véhicules de loisirs en perpétuelle évolution, s’adaptant au gré des nouvelles pratiques de loisirs et innovations technologiques. Faut-il se souvenir en 2001, cet article du Parisien qui titrait : “Le camping-car double la caravane“. 20 ans plus tard c’est au tour du camping-car de se faire doubler par le van. Mais tous les constructeurs s’accordent sur un point, le van n’enterrera pas le camping-car (profilés et intégraux), leurs immatriculations quasi constantes confortent cette vision.
Selon Romain Girard, responsable marketing produit chez Trigano VDL : « Par son dynamisme le marché se segmente, comme dans l’automobile, mais il y aura toujours de la place pour des profilés et le choix d’implantations. Le van ne va pas tuer le camping-car ». Chez Pilote, Patrice Moreau abonde : « Le van dope le camping-car avec l’avènement de nouveaux modèles plus compacts, plus innovants, tels les Pilote 626D ou le 696U, des profilés de moins de 7 mètres sans lit permanent ».
Des modèles hybrides ?
Chez Rapido, Pierre Rousseau porte un œil attentif sur l’avenir du camping-car : « La cellule, dans une version revisitée, peut également être une réponse à la clientèle attirée par le van. En témoigne le succès de notre Série C, des profilés étroits qui offrent le confort du camping-car et la maniabilité du van. Le meilleur des deux en somme ! ».
Bertrand Forgues, directeur commercial Europe Trigano VDL, partage cette vision : « Peut-être moins en vogue, la cellule restera pérenne dans le temps, elle apporte des volumes, fonctionnalités et équipements impossibles dans un van. Cette évolution du marché nous a amené à penser depuis 2 ans à un véhicule hybride entre profilé en van : les Chausson X550 et Challenger X150. Peut-être la naissance d’un nouveau segment... ». Comme l’horizon des véhicules de loisirs, les paris restent grands ouverts : rendez-vous dans 20 ans pour découvrir quel véhicule doublera le van…
*Vans, Fourgons, Camper Vans ?
Difficile parfois d’y voir clair dans l’appellation des véhicules de loisirs. Si l’on peut s’accorder sur la distinction entre Vans et Fourgons : les premiers étant les vans aménagés à toit relevable de moins de 2 m de haut (Renault Trafic, Citroën SpaceTourer, Peugeot Expert, Ford Custom, VW T6.1); les seconds, les fourgons aménagés carrossés de plus de 2 m de haut (Fiat Ducato, Citroën Jumper, Peugeot Boxer, Mercedes Sprinter); le terme Vans est souvent utilisé pour regrouper les 2 catégories, Vans et Fourgons, c’est le cas ici des chiffres d’immatriculations.
Or depuis peu, les professionnels du secteur distinguent : les Mini-Vans (à toit relevable) et les Vans (les fourgons). Pour jouer les troubles fêtes, certaines marques (Sunlight, Carado, LMC…) appellent Vans leurs gammes de profilés étroits, et Camper Vans leurs Fourgons ! Vous suivez ? Bref, quelle que soit son issue sémantique, le Van est bel et bien en train de s’imposer dans l’univers du camping-car… pardon, des véhicules de loisirs !